Technique Alexander, piano et équitation western, methode Alexander dans le piano et l'équitation

 

 

 

LA METHODE ALEXANDER

 


       Technique très répandue dans le milieu artistique, elle propose de travailler sur les postures et gestes quotidiens. Son principe de base "l’utilisation de soi", par une meilleure connaissance et une prise de conscience de son propre schéma psycho-corporel, doit permettre un retour à une équitation plus confortable, aux personnes ayant des douleurs dorsales, des fatigues importantes. Ce confort se transmet bien entendu au cheval dans le même temps, par une meilleure harmonie du couple cavalier-cheval. Par le relâchement des tensions du cou, des épaules, des bras et des jambes, un nouvel équilibre peut être trouvé et permet de développer un dos fort et souple. Suivant l’architecture propre à chacun, une utilisation correcte de ce nouveau dos et de votre conscience de ce schéma, vous permettra une meilleure utilisation de votre potentiel pour votre plus grand soulagement, ainsi que celui de votre monture préférée. Native de Louisiane, Kate Vigneron a rencontré son mari Jean-Maurice lors de sa première année universitaire à l'étranger en France. De 1985 à 88, elle s'est formée en tant que professeur de technique Alexander avec Rodrick Beesley à Paris. Après 27 ans en France, Kate est repartie aux Etats-Unis. Elle possède et dirige maintenant un ranch d'élevage de bovins et de Tennessee Walkers , c'est avec elle que nous avons choisi de vous faire partager cette grande expérience et un amour du cheval jamais démenti.

 

 

Technique Alexander, piano et équitation western

 

      « Tu sais, tu devrais aller voir cet anglais au coin de la rue qui enseigne la technique Alexander. Après tout, tu n'as rien à perdre. » Ce conseil m'a été donné en 1985 par un ami musicien à une époque où je passais la moitié de ma vie avec des migraines épouvantables et des névralgies insupportables. Après plus de 15 ans de crises paralysantes quasi quotidiennes et des visites à des médecins des deux côtés de l'océan, je n'avais effectivement rien à perdre.

     Le professeur au coin de la rue était Rodrick Beesley ; ça se passait au Vésinet en France (à l'ouest de Paris) où j'habitais à l'époque avec mon mari et mes deux filles. Je n'ai rien compris à cette bizarre expérience consistant à me faire asseoir et lever, mais je me souviens très bien avoir quitté ces premières séances en ayant davantage conscience mon dos et bien moins de contractures au niveau de mon cou et de mes épaules. Avant de tomber malade j'adorais prendre des cours de piano et jouer des morceaux classiques sur mon superbe Steinway à queue ; mais j'en étais arrivée à un point où la simple idée de jouer me causait des douleurs au niveau de mon épaule gauche et le long de mon bras jusqu'aux annulaire et auriculaire.

     Après 6 mois de séances avec Rodrick, j'ai commencé à reprendre le piano. Passant outre mon désir de jouer de la musique, je m'obligeais devant mon clavier à diriger et inhiber, diriger et inhiber ; suivant les trois instructions de base de la méthode de reprogrammation des réponses musculaires Alexander : « cou libéré, tête en avant et vers le haut, dos en arrière, étiré et allongé ». Peu à peu j'ai pu diriger et jouer, et enfin, environ un an plus tard, j'ai pu passer des heures à mon clavier profitant tout simplement de ma musique. Non seulement j'avais libéré mes doigts, mes mains, mes poignets et épaules, mais surtout j'ai entendu une profondeur de son venant de l'utilisation plus forte et plus flexible de mon dos.

     C'est ainsi que j'ai découvert que l'interprétation d'une oeuvre est affectée par les schémas musculaires. Une pensée musicale provoque une action physique qui engendre une certaine tonalité de muscles qui se répercute sur le clavier. Inversement, un ensemble musculaire préparatoire qui a été libéré d'un schéma fixe peut générer des sons nouveaux et des inflexions qui vont modifier la pensée musicale. Tout à coup, j'entendais de nouvelles phrases et de nouvelles inflexions qui suggéraient un nouveau sens musical. J'étais tellement enthousiasmée que je rêvais de créer toute une nouvelle école de musique basée sur la technique de F.M. Alexander. Bien des années plus tard, quand j'ai refait ma vie autour des chevaux et de l'équitation western, je me suis appuyée sur ma longue et riche expérience avec le piano ainsi que cette nouvelle réceptivité de mon corps pour reconnaître et me libérer des schémas restrictifs. L'idée que j'étais moi aussi un instrument à accorder dans toute interaction dynamique, que ce soit pour jouer du piano ou pour communiquer avec mon cheval, s'est faite de plus en plus forte.

     Après un style de vie très bourgeois en France, j'ai choisi un chemin radicalement différent. Aujourd'hui je suis propriétaire d'un ranch dans l'ouest du Texas : j'élève et je dresse des Tennessee Walkers destinés à être montés en ranch ou en randonnée. En plus de déplacer du bétail ou d'aller le surveiller, l'équitation western recoupe des disciplines aussi différentes que le cutting, le barrel racing, le roping, le reining ou le Western pleasure. Le reining est une sorte de « dressage à la cow-boy » qui me fascine littéralement. Tout comme pour le piano, vous avez besoin d'avoir des poignets libérés et des mains sensibles soutenues par une assise équilibrée et indépendante. Equilibre, changements d'appuis, emplacement des jambes et timing sont tous des composantes pour amener votre cheval à engager ses postérieurs et alléger son avant-main afin d'exécuter les différentes manoeuvres que sont les pas de côté, les tours, les reculés, les roll-backs, les spins et les arrêts glissés.

     Quand j'étais petite fille en Louisiane, j'accompagnais mon père à cheval à travers pinèdes et les marais pour vérifier le bois. Pour moi, comme pour beaucoup d'autres cavaliers western, monter à cheval signifiait simplement grimper sur la selle, donner un coup de talon pour avancer, tirer les rênes pour s'arrêter.

       Aujourd'hui, monter à cheval est une toute autre histoire. Après des années de vie et de connaissances acquises par le biais de la technique Alexander j'ai commencé à en vouloir davantage. Il semblait logique d'« Alexandriser » mon cheval, c'est-à-dire de permettre à ce vertébré horizontal à quatre jambes à se déplacer avec une nuque détendue (la jonction entre la tête et la colonne vertébrale ou, en jardon Alexander, le contrôle primaire) et un mouvement équilibré et agréable. Il devint évident que la qualité de la communication entre le cheval et son cavalier est déterminée par la conscience et le contrôle de son corps ainsi que par le degré de tension musculaire de ce dernier. Plus la communication avec le cheval est subtile et légère, plus le cheval est bien dressé et mieux monté.

      Dans certains stages de horsemanship que j'ai suivi récemment, l'assimilation (jouer le rôle du cavalier et celui du cheval) était utilisée pour démontrer comment le cheval ressent la tension et la position du cavalier. A quatre pattes, prétendant être le cheval pour l'un de ces exercices, j'ai été stupéfaite de m'apercevoir combien il était pénible d'avoir quelqu'un assis sur moi, le bassin poussé vers l'avant, assis sur l'entrecuisse. Malheureusement le problème vient surtout de la façon dont les professeurs enseignent l'équitation en cherchant à résoudre les problèmes en s'attachant uniquement au but à atteindre. Ils se focalisent sur des petites parties du corps afin de corriger les erreurs d'utilisation d'autres parties. Par exemple, pour corriger un élève qui se tient sur son entrecuisse, le professeur va lui demander de s'asseoir sur le sacrum, ce que ce professeur appelle le « point d'équilibre ». Ce point d'équilibre peut être celui où vous vous trouvez penché en arrière de la verticale, la tête tirée vers l'avant, les épaules arrondies et vos jambes devant vous. Afin de trouver ce « point d'équilibre » j'ai vu des élèves tirer la tête et le torse en avant et vers le bas créant ainsi une véritable bosse avec toutes les conséquences indésirables qui s'ensuivent.

     En position assise, que ce soit à cheval sur une selle ou sur un tabouret de piano, le point d'équilibre est à la base de l'alignement vertical du bassin, du torse et de la tête au-dessus des os du fessier, ni devant, ni derrière. Le poids du cavalier doit être centré au-dessus de la verticale des os du fessier, permettant ainsi un mouvement libre de la hanche et des jambes afin de diriger et communiquer avec le cheval en mouvement. (Bien évidemment, cette verticale disparaît lors de certaines manoeuvres typiques de l'équitation western où le cavalier va glisser tout son corps vers le bas et en arrière sur la selle afin de communiquer le même mouvement à son cheval : l'arrêt glissé.)

     Bien souvent nous rencontrons des professeurs d'une performance ou discipline cherchant à remédier à des problèmes d'utilisation du corps par des façons de faire et en focalisant sur certaines parties spécifiques du corps, c'est-à-dire en faisant travailler les parties du corps les unes contre les autres au lieu de les faire travailler ensemble et en harmonie. Je me souviens d'un célèbre pianiste, un de mes élèves en technique Alexander à Paris, me raconter : « Quand j'étais jeune et encore étudiant, l'un de mes professeurs me mettait des poids autour de la taille pour me fixer au tabouret ». (En langage cavalier, nous aurions dit que le professeur cherchait à lui faire travailler l'arrière-main). Ce souvenir lui était revenu lors d'un exercice sur une chaise lorsque qu'avec mes mains je lui demandais d'étirer la partie basse de son dos tout au long de sa colonne vertébrale. Assis sur un tabouret de piano ou à cheval, ce soutien dynamique du bas du dos est primordial pour le pianiste, comme pour le cavalier.

       On s'aperçoit maintenant que la nouvelle vague des « hommes de cheval » en équitation western étudie l'équilibre et la maturité du cheval sous tous ses aspects : physique, mental, émotionnel et leur enseignement prend en compte le développement d'une relation de confiance et de désir de faire avec son cheval. Cette méthode d'enseignement requiert également davantage d'implication physique, mentale et émotionnelle de la part de l'entraîneur/cavalier. Tandis que cette attitude plus psychologique apportée à l'éducation western et à l'équitation par les vieux maîtres ou « chuchoteurs » (tels que Ray Hunt, les Dorrances ou Ned Wilkinson) s'étend et est développée par les générations Lyons ou Parelli, il devient évident que le développement personnel de l'entraîneur/cavalier est crucial pour atteindre les qualités nécessaires au succès en éthologie. Je caresse l'espoir que l'on accordera de plus en plus d'attention à l'architecture du corps humain et à son fonctionnement naturel et harmonieux, que la compréhension de la physiologie vivante que F.M. Alexander nous a livrée se développera dans le monde de l'enseignement du cheval et du cavalier pour le bénéfice des deux.

     Lorsque je monte mes chevaux dans le magnifique désert du Chihuahua dans l'ouest du Texas, je repense souvent à ces jours passés à mon piano. Mes sens sont ouverts et captent tous les mouvements du rythme à quatre temps de mon Tennessee Walker et je me demande : « Suis-je tendue quelque part dans mon corps ou mon esprit ? La réponse est oui. Maintenant, relâche un peu la hanche tout le long de la jambe, vois si le pas est plus souple. Est-ce que j'entends un rythme plus régulier ? » Je demande et mon cheval répond, puis il demande et je réponds. Mon intention se propage à tout mon corps, aux doigts et jusqu'aux rênes, tout comme je l'ai fait à mon clavier : demander, expliquer, écouter, répondre à la musique... toute la boucle de question-réponse. Quand je ressens cette énergie et communication avec mon cheval - ressentant son mouvement rythmique à travers mon corps et le contact léger à travers les rênes jusqu'au mors ou au simple hackamore - de nouveau je joue m'accordant à ce sentiment si vivant, mais dansant cette fois avec un partenaire à quatre jambes.

 

     Par Kate Vigneron, Traduction Susana Gonzalez.

 

 

Glossaire

Pas de côté : déplacement latéral du cheval où une jambe vient croiser l'autre devant, le même mouvement étant fait par les postérieurs

Spin : déplacement rapide où l'avant du cheval tourne autour du postérieur intérieur. L'avant-main initie le mouvement tandis que l'arrière main donne la puissance

Pat Parelli et John Lyons : ces deux entraîneurs ont développé des programmes pour enseigner aux gens à dresser leurs propres chevaux

Ray Hunt, les Dorrances, Ned Wilkinson : les premiers maîtres de l'éthologie en monte western

Hackamore : filet fait de corde mince nouée plutôt que plat avec des boucles métalliques. Les noeufs créent des points de pression qui permettent une communication plus précise en équitation de travail

 

Un trés bon article est paru sur ce sujet dans Cheval Loisirs d'octobre 2003

Pour plus d’informations techniques, voir les sites suivants :

 

http://perso.wanadoo.fr/technique.alexander/lecture.htm

http://alouest.net/techniquealexander/

http://www.alexandertechnique.com/babel/french.htm